L'idée de poster sur ce blog ne me venait que lorsque j'avais quelque chose à dire sur l'économique, notamment sur les papiers que je lis ici et là, lors de mes activités de recherche. Dernièrement, cependant, un sujet cristallisant toute l'attention de la sphère virtuelle du Sénégal m'a poussé à sortir de ma zone de confort : féminisme et Islam. Je ne discuterai pas des détails concernant le rapport du féminisme à l'Islam et/ou vice versa, ni de l'attitude qu'il convient d'adopter en tant que musulman — puisque mes prétentions n'ont pas le moyen de leur objet — mais seulement, je tenterai de mettre brièvement dans son contexte ce débat et me permettrai de poser quelques questions auxquelles chacun est libre d'apporter sa réponse.
De la condition de la femme dans l'Arabie préislamique
L'époque préislamique, que le Coran désigne comme jahiliya, c'est-à-dire ignorance — de la vérité, de LA religion —, reste équivoque pour qui se demande la place de la femme dans la société, tant mitigés sont les résultats des recherches effectuées jusque-là. En effet, pour certains auteurs, le fait que, dans la société mecquoise, les femmes aient pu jouir d'un statut meilleur que ne le soutient la tradition musulmane, plus tard, montre que l'Islam a été une régression (1). Il est évoqué la première épouse du Prophète, Khadija, la mère de Mus'ab Ibn Umayr Khunaas, et Hind bint 'Utba, qui ont pu devenir des négociantes, employant des hommes, et jouissant d'une liberté totale de choisir (époux, affaires, etc.) ; et le fait qu'il ait existé, en outre, un culte de déités féminines dans le paganisme d'à l'époque (Sheba ou Shaybah et Al Lat). D'autres auteurs, par contre, parlent d'un statut très peu reluisant de la femme dans l'Arabie préislamique : infanticides de filles, existence de la polygynie extrême et patrilinéarité. Il est donné en exemple des cas d'infanticides, de la part du paternel, résultant de la peur et de l'évitement de la honte de subir des razzias (courants à l'époque) et de se voir voler ses filles ; ou alors, en cas de famine, le sacrifice presque immédiat des enfants considérés du sexe faible.
Les deux explications peuvent se rejoindre si l'on prend en compte l'aspect variable de la condition des femmes en fonction des tribus. Dans certaines d'entre elles, les femmes étaient plus libres, émancipées, même comparées à maintenant (2). Dans d'autres, par contre, les lois et normes culturelles les contraignaient à un statut inférieur (3). Ceci pose un contexte relativement hétérogène aux changements instaurés par la religion musulmane.
L'avènement de l'Islam
Comme l'on vient de l'exposer, la condition des femmes avant l'avènement de l'Islam n'était pas homogène. Dans certaines contrées, elles étaient plus émancipées, mais dans d'autres, elles jouissaient d'un statut inférieur à cause, en principe, de leur incapacité à se défendre, donc placées sous la tutelle des hommes. Pour ces dernières tribus, et la majorité donc dans l'Arabie, la polygynie, leur non-droit à l'héritage et les infanticides étaient des faits de société.
Vient alors l'esprit de l'Islam qui considère, sur la pratique religieuse, du rapport du musulman avec Dieu, l'homme et la femme sur un pied d'égalité. Dans Al-Imran (v. 195), il est dit :
Leur Seigneur les a alors exaucés (disant): «En vérité, Je ne laisse pas perdre le bien que quiconque parmi vous a fait, homme ou femme, car vous êtes les uns des autres..."
Également, la sourate An-Nisa est celle qui définit de manière exhaustive le cadre juridique de la femme dans la religion musulmane. Ses droits, entre autres, y sont définis, ainsi que le traitement à son égard. Il est admis que l'Islam a relativement amélioré sa condition, à l'époque (4), le mariage étant devenu un contrat, non plus un fait, l'héritage, quoiqu'actuellement sujet à polémique, incluait les femmes, et les infanticides de filles naturellement prohibés (An-Nahl, 58-59). William Montgomery Watt, une des sommités des études islamiques, disait ceci dans cette interview :
Même si dans certaines parties de l'Arabie, notamment à la Mecque, un système matrilinéaire était en train d'être remplacé par un système patrilinéaire à l'époque de Muhammad, au moment où l'Islam a commencé, les conditions des femmes étaient terribles dans l'Arabie, en général : elles n'avaient pas le droit à la propriété, étaient censées être la propriété de l'homme et si leur mari mourait, tout allait à ses fils. Muhammad améliora beaucoup les choses. En instaurant des droits de propriété, d'héritage, d'éducation et du divorce, il a donné aux femmes certaines garanties de base. Situé dans un tel contexte historique, le Prophète peut être vu comme une figure qui a témoigné en faveur des droits des femmes.
(Je ne parlerai pas de la condition de la femme de l'Islam à nos jours. Je n'ai pas les moyens de cette prétention)
Et maintenant ?
Cette mise en contexte nous donne une petite idée du débat à avoir à présent. Avec l'Islam, l'amélioration relative (puisqu'il ne faut pas omettre le fait que dans certaines tribus ce qui a été considéré comme avancées dans d'autres, ressemblaient plus à des pas en arrière) du statut de la femme fait voir une autre perspective. Le monde évoluant, et le féminisme gagnant du terrain (et à juste titre) dans les sociétés musulmanes, l'on note de plus en plus de résistance, venant d'hommes - et même de femmes - rappelant à la femme i) que l'Islam lui a déjà assigné sa place naturelle, avec des devoirs certes, mais plusieurs droits, ii) qu'il n'y a pas plus émancipateur que la religion musulmane et iii) qu'il faut retourner aux sources puisque les féministes musulmanes semblent égarées.
Au-delà de l'aspect pratique des législations et recommandations de l'Islam, c'est-à-dire le fait qu'elles soient appliquées ou non dans la réalité, des questions m'interpellent : si l'on considère le Prophète comme une figure ayant coupé plusieurs attaches de la femme à son époque, et l'Islam une religion assignant une place noble au sexe fiable (oui!), devrions-nous tous être progressistes à notre époque ? J'imagine qu'une religion qui s'établit dans une société dont elle veut changer les normes n'a pas intérêt à s'y atteler de façon radicale. Si l'Islam est intemporel, ne serait-ce pas dû à son esprit qui se perpétue à travers les contextes et sociétés ? Le monde changeant, ne devrait-on penser que seul l'esprit de l'Islam, sur cette question précise, devrait être conservé, non le corps ? Je pense au Prophète Muhammad qui doit apporter ces retouches à une société qu'il pense ne pas donner assez de droits aux femmes, et me demandé-je : ne devrait-on pas avoir la même posture, en ce moment ? Conserver l'esprit de l'Islam en étant progressiste comme l'a été le Prophète Muhammad ? Ainsi, les revendications féministes sont-elles aux antipodes de l'Islam ? Retour ou recours aux sources ? J'ai ma propre idée de ces questions, qu'en pensez-vous ?
Je réponds à ta dernière question. Ce que je vois c’est la mauvaise foi de beaucoup de musulmans ( qui ont « appris » les textes ) sur la condition des femmes.
Pour eux, les femmes ( musulmanes surtout ) ne doivent ou n’ont pas d’intérêt à se regrouper car l’Islam leur a déjà octroyé des droits. Des droits qu’il faut qu’on arrache pour les recevoir. Quand tu veux être au même pied d’égalité que les hommes, on te demande de rester à ta place. Le pire ce sont les autres femmes qui ne se revendiquent pas féministes et qui se disent qu’elles sont plus vertueuses que les féministes, un fléau. Bon, je m’arrête là.